SINGAPORE NOUAKCHOTT
«Je travaille à me rendre voyant » A. Rimbaud
Il faudrait 16h45 de vol direct pour relier les 13 099 km qui séparent Singapour de Nouakchott. Aucune compagnie aérienne ne propose ce trajet en direct. Il arrive que d’autres voies rapprochent des personnes éloignées en effaçant en partie l’effet de ces distances. Singapore/Nouakchott est le programme qui relie les 2 solos, «Siyin» écrit pour Sara Leah Tan à «My tailor is rich» écrit pour Pape Fall, jeune danseur mauritanien. Il permet d'avoir une conscience des choses doubles. 2 lieux, 2 personnes, 2 trajectoires en contrepoint l'une de l'autre pour voir toute chose comme provisoire. Singapore/Nouakchott regarde le style d’apparition d’une image particulière, celle qui propose un possible décalage, qui indique un écart, une déviation, une dissidence pour défaire les forces du contrôle social. Un à-côté de la norme qui dessinerait une géographie partielle de nos identités plus ouvertes. Singapore/Nouakchott regarde l’ensemble des actes de dénomination, désignation, attribution assignation et la délimitation des places qui se perpétue avec notre participation par les structures sociales, genrées, raciales, sexuelles, économiques, etc, dans les flux continus de l‘interpellation sociale. Singapore/Nouakchott observe et sonde le peu de place du corps hors de ces conventions, il suggère des manières d’être et de se penser qui ne reproduisent pas un rapport à la puissance des normes, une perpétuation des codes. Est-il possible que ces gestes d’écart ne reproduisent pas la force des catégories ? SIYIN - Solo de Sara Tan
« Siyin » est un essai de soi.
Un soi déplacé de plusieurs milliers de kilomètres. Sara est née à Singapour et vit maintenant à Bruxelles pour vivre plus pleinement son désir de danse. Sara Leah Tan Siyin est le nom complet qui figure sur son passeport. Son prénom chinois lui a été donné par son grand -père, il signifie littéralement «Pensée et réflexion avec la poésie» et elle a hérité de son père ( graphiste ) un sens aigu de l’action des humains mélangés dans les choses, de l’importance attachée aux détails et des nuances qui entourent tous nos gestes. Des fragments de vie seront soustraits au contexte de sa biographie individuelle et « re-designer » pour l’expérience du plateau. Cette pièce regarde la poésie sensorielle du réel, entre engagement et dégagement, entre matière et esprit pour toucher quelque chose de plus que soi. Une écriture directe, au plus près de soi, pour le désencombrement des images, pour le dévidement des formes, pour l’image de soi qui n’existe pas. MY TAYLOR IS RICH - Solo de Pape Fall
Pape Fall est né à Nouakchott en Mauritanie, il a 20 ans exactement.
Il est tailleur. Il est surtout danseur. Il est tailleur parce que sa famille veut qu’il ait un vrai métier. Il est danseur parce que c’est sa vie, sa vraie nature. Sa présence sur scène ne fait aucun doute, c’est une évidence. Il brûle le plateau dès qu’il entre en scène. Une joie, un magnétisme glisse sous ses pas et le suit. Il parle le wolof, le peul et l‘hassanya. Il parle surtout la musique et les mouvements qui habitent ses rythmes. Il ressemble étrangement à Miles Davis avec qui il partage cette particulière intensité, quelque chose que l’on nomme parfois charisme. C’est assez rare. Il n’a pas de passeport et n’est jamais sorti de son pays. Aujourd‘hui il se bat pour savoir où sa jeunesse va l’emmener. Avoir 20 ans à Nouakchott n’offre pas nécessairement beaucoup de perspectives mais il sait que son énergie lui dégage des horizons et que sa danse ne va pas le lâcher, le laisser en rase campagne, le laisser là, à coudre des habits dans son atelier. « My tailor is rich » est le portrait d’un danseur de 20 ans qui vit aujourd‘hui à Nouakchott. Alors la musique fait corps au corps du danseur et un langage apparaît comme un nouveau continent. « My tailor is rich » est le portrait d’une certaine jeunesse en Afrique qui grandit et prend en main son avenir. DISTRIBUTION
Chorégraphie Frank Micheletti Danseuse Sara Tan Danseur Pape Fall Musiciens Frank Micheletti et Sheik Anorak Création lumière Ivan Mathis PRODUCTION Kubilai Khan investigations CO-PRODUCTION Institut Français de Mauritanie ACCUEIL STUDIO CNCDC Chateauvallon Mouvement, n°81 janv-fév. 2016
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